Le XVIII ième siècle et ses femmes
Libertines ou Vertueuses
Marie Gouze, dite Marie-Olympe de Gouges est née à Montauban le 7 mai 1748. Femme de lettres, elle fut aussi une femme politique d’un courage exemplaire. Pionnière à son époque, elle témoignera du passage de l’émancipation intellectuelle des femmes philosophes à la politique, à l ‘égal de l’homme.
« Auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des Noirs. Elle est devenue emblématique des mouvements pour la libération des femmes, pour l’humanisme en général, et l’importance du rôle qu’elle a joué dans l’histoire des idées a été considérablement estimé et pris en compte dans les milieux universitaires. »
Elle mourut guillotinée à Paris le 3 novembre 1793 pour avoir osé être Républicaine comme beaucoup trop de citoyens de l’époque qui ne partageaient pas la folie des chefs révolutionnaires au Pouvoir.
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Extraits de son testament politique, cinq mois avant son exécution.
O divine providence ! toi qui dirigeas toujours mes actions, je n’invoque que toi seule, les hommes ne sont plus en état de m’entendre. Dispose de mes jours, accélères-en le terme. Mes yeux fatigués du douloureux spectacle de leurs dissensions, de leurs trames criminelles, n’en peuvent plus soutenir l’horreur. Si je dois périr par le fer des contre-révolutionnaires de tous les partis, inspire moi dans mes derniers moments, et donne moi le courage et la force de confondre les méchants et de servir encore une fois, si je le puis, mon pays, avant mon heure suprême !
... Ou si, pour arriver jusqu’aux jours de tes terribles vengeances, il te (la providence) faut le sang pur et sans tache de quelques victimes innocentes, ajoute à cette grande proscription, celui d’une femme.
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Voyant mes écrits, mes efforts impuissants pour rappeler les hommes à la plus douce des morales, à cette touchante fraternité qui pouvait seule sauver la patrie, je pleurais, dans le silence, un fils qui avait versé son sang pour elle sur les frontières, et qui m’a été rendu par un de ces miracles dont toi seule, ô providence ! dirige les bienfaits,
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Homme égarés par des passions délirantes, qu’avez-vous fait, et quels maux incalculables n’avez-vous pas amassés sur Paris, sur la France entière ? Vous avez hasardé le tout pour le tout, dit-on ; vous vous êtes flattés que, pour, sauver la chose publique, il ne s’agissait que d’une grande proscription ; que les départements, pénétrés de terreur, adopteraient aveuglément ces horribles mesures : si vous ne vous êtes point trompés, si trente-deux victimes peuvent éteindre les haines et les passions, si elles peuvent faire déclarer, par les puissances étrangères, la république indépendante, et détruire l’armée des contre-révolutionnaires, hâtez-vous de faire couler leur sang sur les échafauds ; je vous offre une victime de plus. Vous cherchez le premier coupable ? C’est moi ; frappez.
C’est moi qui, dans ma défense officieuse pour Louis Capet, ai prêché, en vraie républicaine, la clémence des vainqueurs pour un tyran détrôné ; c’est moi qui ai donné l’idée de l’appel au peuple ; c’est moi enfin qui voulais, par cette grande mesure, briser tous les sceptres, régénérer les peuples, et tarir les ruisseaux de sang qui coulent depuis cette époque pour cette cause. Voilà mon crime, Français, il est temps de l’expier au milieu des bourreaux.
Mais si, par un dernier effort, je puis encore sauver la chose publique, je veux que, même en m’immolant à leur fureur, mes sacrificateurs, envient mon sort. Et si les Françaises, un jour sont désignées à la postérité, peut-être ma mémoire lui sera-t-elle chère. J’ai tout prévu, je sais que ma mort est inévitable ; mais qu’il est glorieux, qu’il est beau pour une âme bien née, quand une mort ignominieuse menace tous les bons citoyens, de mourir pour la patrie expirante ! Je n’accuse directement personne ; mais enfin que ferez-vous, que deviendrez-vous, hommes de sang, si les départements s’élèvent contre Paris, et s’arment pour la défense des dépôts sacrés qu’ils vous ont confiés dans la personne de leurs mandataires ?
Vous exaspérez le peuple qui, dans son aveuglement, ira les immoler et satisfaire à votre vengeance ; mais échapperez-vous, après ce crime à ce peuple revenu de son égarement, à ce retour de l’opinion publique, sur laquelle vous avez échafaudé vos criminelles espérances ? Non. Je crois le voir, ce peuple, tel qu’on nous peint l’être suprême au jugement dernier, terrible dans sa justice, vous demander compte du sang que vous lui aurez fait verser, et du péril éminent où vos fureurs l’auront entraîné. Ah ! s’il en est temps encore, hommes égarés (car je ne puis m’adresser qu’à ceux qui n’ont que la tête perdue ), mettez un frein à vos haines et à vos vengeances ! Pour ces âmes abjectes, vendues aux puissances étrangères, et qui la torche et le fer à la main, prêchant le républicanisme, nous conduisent évidemment au plus horrible esclavage, leur supplice, un jour, égalera leurs forfaits ;
C’est donc à vous, dis-je, citoyens égarés, d’ouvrir les yeux sur la ruine prochaine de votre malheureuse patrie, d’arrêter ces torrents destructeurs débordés de toutes parts vers cette cité. Et vous, représentants de la nation, qui, pour sauver la chose publique de Paris, n’avez point, par cette mesure, sauvé celle de la France entière, vous avez sacrifié trente-deux de vos dignes collègues à des haines personnelles qui bientôt vous demanderont des actes d’accusation sans pouvoir citer un seul fait contre les accusés, savez-vous ce qui vous reste à faire, si persuadés de leur innocence, un crime plus inique peut vous forcer à rendre ces affreux décrets contre votre conscience, surpassez, s’il se peut, les Romains en courage et en vertu ?
Rappelez ces victimes dans votre sein et présentez vos têtes au peuple. Revêtus de la souveraineté nationale, quels coups pourront aller jusqu’à vous ? Et si par un de ces forfaits inconnus au monde, les furieux parvenaient à se faire un passage sur les corps mourants des bons citoyens qui s’armeront pour vous défendre, mourez du moins dignes de nos justes regrets et de l’admiration de la postérité.
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Comment est-il possible de prêcher avec véhémence ce qu’on ne pense pas ? Comment peut-on avec autant d’audace tromper le peuple et mettre sur le compte d’autrui les résultats de ses propres crimes ? Si ces hommes dominent, c’en est fait de la liberté et de l’égalité. La tyrannie s’avance à pas de géant par nos dissensions. Citoyens ! vous pouvez me donner la mort ; mais vous vous rappellerez malgré vous mes prédictions et mes vertus civiques. Il est temps de faire l’énumération de mes legs, qui ne seront peut-être pas indifférents à la société, et dans lesquels je me permettrai un peu de cette gaieté que j’ai toujours mise dans tout ce qui me concerne.
Je lègue mon cœur à la patrie, ma probité aux hommes (ils en ont besoin). Mon âme aux femmes, je ne leur fais pas un don indifférent ; mon génie créateur aux auteurs dramatiques, ils ne leur sera pas inutile, surtout ma logique théâtrale au fameux Chesnier ; mon désintéressement aux ambitieux, ma philosophie aux persécutés, mon esprit aux fanatiques, ma religion aux athées, ma gaieté franche aux femmes sur le retour et tous les pauvres débris qui me restent d’une fortune honnête, à mon héritier naturel, à mon fils, s’il me survit.
Quant à mes pièces de théâtre, en manuscrits, on en trouvera quelques centaines, je les donne à la comédie française ; si par son art magique et sublime, elle croit, après ma mort, mes productions dignes de figurer sur son théâtre, c’est assez lui prouver que je rends justice à son talent inimitable. J’aurais voulu, avant ma mort, laisser un extrait d’une vie bien intéressante, par la bizarrerie de mon étoile, depuis ma naissance ; mais si le sort a destiné à mes jours une fin prompte et glorieuse, je laisserai à deviner aux hommes sensibles, s’il en est encore, ce que peut avoir éprouvé une victime du fanatisme, qui avait des droits à la fortune et au nom d’un père célèbre.
Français, voici mes dernières paroles, écoutez-moi dans cet écrit, et descendez dans le fond de votre cœur : y reconnaissez-vous les vertus sévères et le désintéressement des républicains ? Répondez : qui de vous ou de moi chérit et sert le mieux la patrie ? Vous êtes presque tous de mauvaise foi. Vous ne voulez ni la liberté ni la parfaite égalité.
L’ambition vous dévore ; et ce vautour qui vous ronge et vous déchire sans relâche, vous porte au comble de tous les excès.Peuple aimable, devenu trop vieux, ton règne est passé, si tu ne l’arrêtes sur le bord de l’abîme. Jamais tu ne fus plus grand, plus sublime que dans le calme majestueux que tu sus garder au milieu des orages sanguinaires, dont les agitateurs viennent de t’environner ; rappelle-toi qu’on peut te rendre les mêmes pièges ; et si tu peux conserver ce calme et cette auguste surveillance, tu sauves Paris, la France entière et le gouvernement républicain.
C’est toi Danton que je choisis pour le défenseur des principes que j’ai développé à la hâte et avec abondance de cœur dans cet écrit. Quoique nous différions dans la manière de manifester notre opinion, je ne te rends pas moins la justice qui t’est due, et je suis persuadée que tu me la rends aussi ; j’en appelle à ton profond discernement, à ton grand caractère ; juges-moi. Je ne placarderai pas mon testament ; Je n’incendierai pas le peuple de Paris ni les départements ; je l’adresse directement, et avec fermeté, aux jacobins, au département, à la commune, aux sections de Paris, où se trouve la majorité saine des bons citoyens, qui, quels que soient les efforts des méchants, sauvera la chose publique.
Signé, OLYMPE DE GOUGES.
Ce 4 Juin 1793, l’an deuxième de la
république française.
Le texte en entier :
http://fr.wikisource.org/wiki/Testament_politique_d%E2%80%99Olympe_de_Gouges /
Sa vie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Olympe_de_Gouges /
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