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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 00:04

 autissier.PNG  Lorsque metrofrance.com rencontre Isabelle Autissier, présidente du WWF France depuis décembre 2009

  

Le droit à l’eau, auquel l’ONU a donné cette année une base juridique internationale, ça veut dire quoi concrètement pour vous ?

 

- C’est presque un combat d’arrière-garde tant ce droit apparaît vital, d’autant que le réchauffement climatique pose encore plus le problème de la mauvaise répartition des ressources en eau potable. Concrètement, le droit à l’eau implique d’agir pour que chaque être humain ait à sa disposition une quantité minimale d’eau accessible et de qualité.

 

A vos yeux, sommes-nous bien lotis en France ?

 

- Nous ne sommes pas à plaindre comparé à d’autres pays, mais 80% des eaux de surface et des nappes phréatiques sont polluées(1). On est en train de saboter ce qui est la base de notre développement. Prenons l’exemple de l’agriculture conventionnelle. On marche sur la tête en polluant les eaux à coups de pesticides et d’engrais chimiques très chers tout en dépensant des milliards pour la fabrication de stations d’épuration. Tout le monde ferait de sacrées économies si on limitait la pollution en amont !

 

L’agriculture bio est-elle la solution pour moins polluer les eaux ?

 

- Bio ou raisonnée, oui. La seule solution me semble être le retour à une agriculture respectant davantage l’environnement et avec peu d’entrants, ces derniers coûtant souvent très cher. A terme, les agriculteurs ne perdraient financièrement pas au change. C’est un modèle économique plutôt positif. On ne fait pas assez en France pour promouvoir la conversion vers une agriculture durable. Il faut dire que dans les chambres d’agriculture, la majorité des représentants sont issus de l’agriculture conventionnelle.

 

Le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a récemment plaidé pour une « pause » dans les mesures environnementales afin de ne pas trop « charger la barque » des agriculteurs, dont beaucoup connaissent des difficultés financières. Qu’en pensez-vous ?

 

- C’est une vision affligeante, la réalité prouve au contraire qu’il faut changer au plus vite notre modèle agricole, qui ne marche pas et à cause duquel les exploitants appauvrissent leur terre et s’endettent. Ils ont du mal à joindre les deux bouts à force d’investir toujours plus dans des techniques et produits polluants. A terme, ce n’est donc même pas rentable. En tant que présidente d’une association écologiste, j’ai rencontré beaucoup d’agriculteurs convertis au bio ou au raisonné, qui, aujourd’hui, respirent mieux financièrement.

 

La réforme de la PAC (politique agricole commune européenne), prévue en 2014, une urgence selon vous ?

 

- Aujourd’hui, le système de subventions est pervers : les aides vont majoritairement aux plus grosses exploitations, et la PAC telle qu’elle est mise en œuvre actuellement est une incitation à polluer. En 2014, il est à souhaiter qu’on incitera au contraire à développer des modèles plus respectueux de l’eau et de la nature.

 

Vous affirmez donc que la majorité des agriculteurs a tort aujourd'hui...

 

- Je ne jette pas la pierre aux agriculteurs. L'agriculture aujourd'hui est le fruit du système actuel de subventions et d'une révolution agricole basée sur le principe "il faut faire à manger pour pas cher". Si des effets positifs en termes de productivité ont été ressentis à court terme, on réalise désormais qu'à force de prendre de la terre comme un support et non comme un substrat vivant (l'humus), on tue la biodiversité et on scie la branche sur laquelle on est assis.

 

Vous avez suivi des études d’ingénieure agronome à Rennes. Comment ce sujet était-il débattu à l'époque ?

 

- L' « éducation aux intrants » était très forte, et il n’y avait pas de cours sur le développement durable et sur le bio. On se cachait de nos professeurs pour lire certains livres traitant de ce sujet. Pas question de remettre en cause une certaine vision du progrès, à l’époque synonyme de productivisme.

 

Pesticides et engrais chimiques ne sont pas les seules sources de pollution des eaux…

 

- Un tas de substances liées à notre consommation de produits chimiques et à ce que nous ingérons contaminent l’eau (antibiotiques, etc.) et se mélangent dangereusement, provoquant un phénomène de perturbations croisées. Les stations d’épuration ne sont pas équipées pour traiter tout ça, et aujourd’hui on ne peut plus pêcher de poisson dans certaines rivières sans risques pour notre santé. Les PCB, d’une durée de vie très longue, sont à cet égard l’une des sources de pollution des eaux les plus préoccupantes en France.

 

Le choix d'une gestion privée ou publique de l'eau a-t-il selon une importance, ou s'agit-il d'un faux débat ?

 

- Déléguée ou en régie municipale, peu importe, du moment qu’il y a un contrôle public très fort. A mes yeux, un acteur privé peut avoir tendance à mettre en place un modèle marchand et avoir un penchant vers certaines dérives contraires à l’intérêt général.

 

En tant que navigatrice, le dessalement de l’eau de mer (97% des eaux du globe) vous paraît-il une bonne idée pour accroître les ressources en eau potable ?

 

- C’est une énorme bêtise à mes yeux, car c'est très consommateur en énergies et donc générateur de gaz à effets de serre. A moins qu’on arrive à le faire un jour à grande échelle grâce aux énergies renouvelables ? La première des solutions à mettre en œuvre est l’arrêt du gaspillage d’eau.

 

Ce que vous avez appris en mer salée influe-t-il sur votre vision de l'eau douce ?

 

- Ça ne me rend pas plus compétente en la matière, mais j’ai appris en mer qu’on doit faire avec la nature, en allant avec les vagues et non contre elles !

  ________________

 

(1) Sur le site de l'agence de l'eau Seine-Normandie :

 

" On constate une contamination générale des ressources par de nombreux pesticides, mais aussi par les nitrates. Ainsi, en 2009, environ 70% des eaux de surface et 25% des eaux souterraines ne pouvaient être exploitées sans un traitement spécifique coûteux destiné à éliminer les résidus de produits phytosanitaires. "

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